« Étreins les vagues » de Thierry Quintrie Lamothe

Prologue, récit poétique et épilogue de Thierry Quintrie Lamothe (1944 – ), à retrouver sur le blog partenaire Poesia Revelada

Prologue

Avril 1529, les étendards de soie claquent au vent au son des trompettes d’argent. Jean Parmentier et son frère Raoul quittent le port de Dieppe.

Avec leurs nefs Le Sacre et La Pensée, les jeunes capitaines cinglent vers l’est pour rejoindre les îles ensorcelées aux épices.

Étreins les vagues

Chargées d’illusions,

tes nefs tracent un lumineux sillon

d’écume blanche jusqu’à l’horizon.

Souviens-toi de tes mains à tirer les cordages,

tes mains de sang, tes mains de silence.

Regarde tes doigts d’argile sur les cartes

à rêver d’une île sertie comme un saphir.

Ne voir qu’un point parmi les étoiles,

Du bleu pâle à côté, la mer !

La terre, c’est loin ! Tu l’as crue plate.

Elle rétrécit chaque jour, tu tournes sur,

tu tournes autour sur les cartes du monde.

Oublie tes tourments noués à tes paupières

dans le souffle des grands vents

et le faisceau nocturne des chimères.

Oublie tes mots secrets noyés dans l’ombre,

tes mots brisés par la terreur des ouragans.

Emporte la voix de ta nymphe,

l’éclat doux de son regard.

Ne reste qu’un grain de chair,

qu’une étoile de sang sur son visage,

une épave d’instant au goût de cendre

dans les cales vides de ta nef délabrée,

frêle cloison où ton fantôme fou frissonne.

Te voilà changé en palmier,

symbole de la vie et du vin doux,

et ton frère, Raoul, en dauphin.

Avec vos rêves enflammés,

vos corps dissous dans les jungles

épaisses et silencieuses.

©ode poétique et historique dédié aux deux marins poètes, à la bonté de leur cœur.

Paris, septembre 2024.
t.cleobie@yahoo.fr

Epilogue

En décembre 1529, au large de Sumatra, face à l’île de Batu, le scorbut impitoyable, grand rapace aux serres cruelles, emporte les deux jeunes capitaines à peine entrés dans l’âge.

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