Jean-Yves Tanoh Ahossan alias Bibi, le poète de l’autre Monde (1994) – Partenaire d’AFROpoésie – COTE D’IVOIRE
Jean-Yves Tanoh Ahossan alias Bibi, le poète de l’autre Monde (1994) – Partenaire d’AFROpoésie – COTE D’IVOIRE
Cheb Hasni (1968-1994) – ALGÉRIE
Idir Tas (1960-) – Partenaire d’AFROpoésie – ALGÉRIE (Kabylie)
Si j’écoutais mon cœur
Je descendrais des mois durant le fleuve Congo
Sur un bateau chargé comme l’Arche de Noé
Où femmes et hommes parmi les bêtes
Élèveraient leurs chants dans la nuit
(Refrain)
Afrique
Ô Continent des âmes bien trempées
Ô Terre de tous les risques et de tous les exploits
J’aurais pour toit une bâche jaune
Qui se mettrait à battre la mesure
Au rythme du vent et de la pluie
Sur des fours improvisés
Il y aurait des poissons pêchés dans le Grand Fleuve
Au goût de limon de liberté
à la chair parfumée de safran et de grand large
Refrain
Notre capitaine saurait faire face à toutes les situations
Il sauverait notre rafiot de l’enlisement et du naufrage
J’aiderais le perchiste à sonder les fonds
Tournant cette longue tige de gondolier
Fendant d’un bras magique l’onde imprévisible
Refrain
Homme noir valeureux
Il y a en toi une telle élégance une dignité
J’envie ton self-control ton savoir et ta sagesse
Aucune peur ne sourd de ton visage impassible
Comme si tu traversais le bouillonnement du monde
Tel un funambule confirmé
J’aimerais te ressembler
J’aimerais avoir ta force et ta philosophie
Extrait de “Le murmure du figuier bleu”, d’Idir Tas, L’Harmattan, septembre 2014 (repris dans “Chansons du figuier bleu”, Les Éditions du Net, juin 2016).
Nouhr-Dine Akondo (1979-) – Partenaire d’AFROpoésie – TOGO
Abouèno, à peine arrivée
Voici que vers toi se tourne ma pensée
Je me souviens : cette nuit où on s’est quitté
Gracieuse par ton sourire
Qui frictionne à démolir
Gracieuse par ta démarche des charmes de Nubie
Par ces charmes qui te font :
Gracieuse, chaleureuse, mais au cachot
De la norme parentale et du lot
Gracieuse et toujours éloignée,
Loin tu restes jusqu’à ce jour
Loin mais pas des moindres
Tu es restée un fantasme spéculé
Tel un diamant dans la boue, à la mine
Tu es la panthère déchaînée qui reste à dompter
Comme en ce jour de rencontre où tu snobas mon apostrophe
Tu restes l’être aimée aux fragrances de suspense
Et quand vient le moment d’étoffer la relation
Tu n’es pas là, effarée, éloignée
Mais forte de cette absence
Qui en moi aiguise l’espoir par tant de défoulements refoulés.
Je m’appelle Idir Tas, je suis né le 14 mai 1960 à Bouzaréah (11e arrondissement d’Alger).
J’ai quitté mon pays natal en octobre 1983 pour poursuivre mes études doctorales en automatique et traitement du signal au Polytechnique de Grenoble, en France.
De retour en Algérie, en août 1989, j’ai enseigné durant cinq ans le traitement du signal à l’Institut d’électronique de l’université de Constantine et à l’ENSET de Laghouat.
En janvier 1995, poussé par les événements tragiques qui ont secoué l’Algérie, je suis revenu en France où je vis encore aujourd’hui.
Dès ma plus tendre enfance passée en Kabylie, j’ai eu envie de donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas pour témoigner de la dureté de leur vie et faire entendre l’écho de l’Histoire traversant leur existence trop souvent ignorée.
J’avais mal en voyant combien était lourde la souffrance de ceux qui avaient été brisés par la guerre et la pauvreté et qui jamais ne s’en plaignaient, enfermés dans le silence de la dignité.
Au fil des années, avec l’apparition de la modernité, il m’a semblé évident qu’il fallait se dépêcher de fixer par écrit tous ces us et coutumes qui ont permis à l’identité kabyle de survivre malgré toutes les volontés d’effacement, qu’elles soient liées au colonialisme ou à la politique.
Au village beaucoup de personnes âgées nous ont quitté, emportant avec elle les secrets d’une bibliothèque orale.
Écrire pour moi est devenu un devoir de mémoire, comme si je redoutais que tout ce qui avait constitué la société kabyle risquait de disparaître un jour tel un mirage culturel.
Pour moi, écrire, c’est avant tout faire parler le silence. Silence des miens. Silence des mots. Silence des traditions en voie d’extinction.
Pour moi, écrire, c’est retrouver le souffle poétique du monde. J’aime quand la parole révèle son don d’ubiquité, quand elle me permet d’être à la fois ici et là-bas, berbère des temps anciens et homme de l’époque moderne, âme errante en quête d’autres traces.
Sorti en septembre 2014 aux éditions de L’Harmattan, le premier tome qui donne son titre à la trilogie, « Le murmure du figuier bleu », s’échelonne sur une période de vingt-et-un ans, de 1962 à 1983. Le narrateur nous livre des souvenirs de la guerre d’Algérie encore frais dans les mémoires et évoque les figures familiales fondatrices. La mère l’initie aux secrets de la nature et à la beauté des chants traditionnels kabyles.
La voix de ma mère si cristalline, lisse comme un ruisseau, saine comme une montagne, associée aux fêtes de chez nous. Cette voix-là, je l’entends encore aujourd’hui. Jusqu’à l’âge de douze ans je n’ai manqué aucune fête. C’était pour moi comme toucher à l’essence même du bonheur, un rituel qui donnait un sens à ma vie et ouvrait le monde sur un univers de poésie, de douceur et d’enchantement.
Après le retour définitif du père qui a travaillé en France pendant dix-sept ans, l’auteur quittera la Kabylie pour aller s’installer en ville, à Constantine, où il lui faudra apprendre une autre langue et d’autres codes. Mais si l’auteur s’est éloigné de la terre de ses ancêtres, il n’a pas coupé le lien avec son ami végétal, le figuier bleu, qui, à chacune de ses visites, recueille comme autrefois ses peines et ses espérances d’enfant-poète.
Dans ce récit d’enfance, on trouve également les thèmes propres à l’autobiographie tels que les premières fois –en particulier la première fois où l’on nage, les premiers émois sexuels, la première fois où l’on est amoureux–, l’école, l’admiration pour les professeurs, mais aussi la musique, le cinéma, la quête identitaire, la recherche des premières traces de la culture berbère et une réflexion sur l’altérité. L’auteur brosse un portrait de lui-même sans fioritures et en toute franchise dans la lignée d’un Montaigne ou d’un Rousseau.
Dix-huit chansons parsèment cette œuvre, offrant à chacune des unités narratives une sorte de mise en abyme. Ce sont des fenêtres, des points de fuite, des accès vers d’autres mondes quand celui dans lequel nous luttons ne nous apporte plus la bonne respiration, précise l’auteur dans sa préface.
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André Salvador (1913-2013) – GUYANE (France)
Nouhr-Dine Akondo (1979-) – Partenaire d’AFROpoésie – TOGO
Tel un colibri en quête de fragrances et saveurs
Je voltigeais d’arbre en arbre.
De branche en branche sans me percher,
Car en nul écosystème, je n’ai trouvé mes plumes
Je partis en nomade à la quête de valeurs
Averti de mes candeurs
Et déçu, d’un système à l’autre,
D’une branche d’illusion à une autre
Je reste là affamé
Tel un hibou en agglomération.
Je ne peux me nourrir,
Ni étancher ma soif de choix et de guidance
Confusion et imbroglio à l’horizon,
On s’enfonce, on creuse la tombe par délire identitaire
On se déchire, en martyrs on tombe
Etourdis par cette harmonie tendue entre victimes et bourreaux
Chacun rumine la fibre ethnique et nul ne veut la digérer
Et par manque de nutriments, pieds et bras s’affalent
Là se trouve un marasme criard
Père de constipations régionalistes et stériles
James Brown (1933-2006) – USA