Poème de Fatou Yelly Faye (1957-) – Responsable de délégation AFROpoésie/Afrique de l’Ouest – SÉNÉGAL
A l’occasion de l’anniversaire du cinquantenaire du premier festival mondial des arts nègres par la CACSEN (Communauté Africaine de culture section Sénégal)
Je suis de Djilor
Oui frère Maxime
Pince ta kora
Et suis-moi
On raconte
Et ce n’est pas une légende
Mais plutôt l’histoire
L’histoire d’un petit village
Djilor
Le village de Djijack Selbé
Illustre aïeul
Père fondateur
Oui Sédar
En un jour
En une nuit de pleine lune
Tu t’es tout doucement
Faufilé dans la pénombre
Venir voir le monde des vivants
Dans la pénombre
Oui fils de Maam Gnilane
Tu es venu
Nous surprendre
Nous aimer
Dans la pénombre fils de Djogoye Basile
Tu es venu apporter ta partition
Et je suis de Djilor
Arrière arrière petite-fille de Djijack Selbé
Qui
En cette nuit en ce jour festif
Céda : Sédar à Senghor Basile ton père
Une parcelle de terre
Ta maison familiale
Oui Sédar
Quand la parole a franchi
Le seuil de sa demeure
Elle ne retourne pas sur ses pas
Stoïque
Elle arpente le chemin sinueux du respect
Pour honorer ses promesses
Même si elle doit se faire violence
Oui je suis de Djilor
Arrière arrière petite-fille de Djijack
Arrière-petite-fille de Diène
Petite fille de Modou
Frère Maxime pince ta kora
Et suis-moi
Vers le village au bord du fleuve Sine
Djilor.
Le village
Au bord du fleuve
Le Sine
Déesse en gésine
S’étire sur son lit et serpente
Djilor en une ceinture aquatique.
Djilor!
À l’entrée deux maisons face à face
Amants solitaires, regards rivés l’un dans l’autre
Dans une complicité parfaite forment
Une haie d’honneur qui me mène
Vers le fleuve des légendes surfaites:
Le fleuve
Sine.
Là j’ai donné le couscous des offrandes
Aux génies des eaux.
Le couscous fumant des premières récoltes
Orné de rêves et d’espérance.
Là j’ai refait le geste mythique
Du vieux Djidjack,
Le geste symbole
De mon aïeul.
Là j’ai parachevé ce lien séculaire
Cordon invisible qui m’uni à toi
Djilor au bord du
Fleuve
Sine.
Dans mon village Djidjack Selbé
Le vieux sérère fumait sa pipe le soir couché
Sur le hamac de la sérénité.
Il veillait d’un œil souverain
Sur toi Djilor
Petit village au bord
Du fleuve
Sine.
Djijack avait scellé avec Dioguoye
Le pacte du bon voisinage.
Ils avaient cheminé côte à côte
Prés du fleuve solitaire.
Djilor petit village au bord
Du fleuve
Sine
Avec toi j’ai appris
Qu’il fallait refuser de traverser la vie
Lentement sans la vivre.
Avec toi j’ai compris qu’il fallait tout comme
Djidjak et Dioguoye
Toujours lutter pour donner un sens à son existence
Afin de laisser une trace
Un souvenir heureux de son passage
Sur cette terre.
Accompagnée à la kora par Frère Maxime avec les Koras de Keur Mousseu
Dakar 10 décembre 2016 Hôtel Ngor Diarama
Fatou Yelly
FAYE poétesse de la solidarité intergénérationelle et du cousinage à plaisanterie Grand prix David DIOP de poésies de l’Association des Écrivains