Rodrigue Hounsounou (1986-) – Partenaire d’AFROpoésie – BÉNIN
Samedi !
Jour de funérailles au Bénin.
Partout, des tables et chaises en plastique.
Dans les demeures, à l’entrée des vons et des portiques,
Sur les espaces vagues, souverains;
Des bâches montées et décorées bon enfant
Pour accueillir la réception.
13 heures ! La réception !
Après la messe corps présent,
Cuillères et fourchettes se passeraient
Le mot pour accompagner
L’hors-d’œuvre et le pain frais,
Le riz au gras et la viande de poulet,
Le Mân et l’Akassa,
Le Ablo et le Djâ
Dans leur dernière demeure :
Le ventre, l’avaleur.
Les verres en concert avec les bouteilles
Engloutiraient des litres
D’ Ekous et de Beauforts,
De Bières et de Sodabis.
Et dans ce festin paradoxal,
On rappellerait les souvenirs du défunt.
Ironie du sort, c’est devant les plats solennels
Qu’on évoque la mémoire du défunt
En savourant la musique.
La musique !
Cette pollution sonore,
Ce vacarme assourdissant et multicolore
Qui commence du jeudi,
Jour de dot pour les beaux-fils
Au dimanche minuit,
Dernier jour de réception
Des invités retardataires;
Pertubent l’entourage et l’obligent à veiller
En délectant de la musique
Jusqu’au petit matin.
Au Bénin, les éplorés, au lieu de manifester
Leur profonde marque de sympathie, d’affection
Et d’affliction
A l’égard du décédé,
Préfèrent y opposer
Une démonstration de richesse
Au risque de s’endetter.
S’endetter !
Parcelles et maisons vendues express,
Prêts contractés dans les banques
Au détriment d’enfants déscolarisés,
Errant dans les rues, désœuvrés
Qui pourtant arboreront d’authentiques
Pagnes Tchivi du vendredi soir,
Le Léxi brodé du samedi avec le Gôbi en soie
Et le Tchigan Wax du dimanche.
Hélas ! Ils referont bientôt dans les rues la manche.
Les Béninois préfèrent investir
Dans le mort
Plutôt que d’investir dans le vivant.
Promenez votre regard tout autour de nous
Pour voir le nombre impressionnant
De personnes qui vivent parmi nous
Dans une misère repoussante,
Triste
Mais qui ont pourtant des enfants,
Des parents,
Des alliés et amis nantis;
Qui vivent dans le confort.
A leur mort,
La collectivité vient organiser
Un enterrement grandiose, insensé.
Au Bénin, les morts se fêtent.
On découvre là, tristement
Les vices et crasses
Qui avilissent
Mon pays dans le sous-développement.
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