Propos de Tahar Djaout (1954-1993) – ALGÉRIE

« Ce qu’on peut affirmer de Kateb Yacine, c’est qu’il a été quelqu’un qui n’a jamais eu peur de s’attaquer aux tabous aussi forts et aussi ancrés soient-ils puisque la société algérienne se construit sur un certain nombre de tabous et d’ambiguïtés. Nous savons que pendant longtemps, il nous a été interdit de parler de certaines choses.
Kateb a eu le courage de le faire, de s’attaquer à des tabous qui faisaient trembler tout le monde, en l’occurrence le panarabisme et l’islamisme. Notre précédent président [Houari Boumediene, ndlr] nous a légué certains mots qui font encore frémir les gens, comme le mot « irréversibilité », faisant vivre l’Algérie sans qu’elle le veuille dans un certain nombre d’irréversibilités. La position de Kateb Yacine par rapport à ces « irréversibilités » et à l’arabo-islamisme était très courageuse car elle le menaçait d’une grande solitude.
Pendant qu’il avait la grandeur de s’attaquer à ces tabous, tous les intellectuels algériens, même de gauche, avaient peur de se montrer moins arabes que les autres et, aujourd’hui encore, moins musulmans que les autres. Contrairement à eux, Kateb Yacine croyait en certains idéaux qui pourraient aider à l’épanouissement de l’Algérie. »
Entretien réalisé en novembre 1989 par Salah Ouadahar et publié dans la revue Tasfut en avril 1990.