Pourquoi ici demeuré-je?

Poème de René Philoctète (1932-1995) – HAÏTI

Représentation épique de Jean-Jacques Dessalines lors de la Révolution haïtienne de 1804. Auteur inconnu (XIXe siècle)

Jamais je ne me suis demandé pourquoi je continue

     de vivre ici

comme je ne me suis jamais demandé pourquoi je

     respire

pourquoi je dors

pourquoi je parle comme je parle

Au fait
pourquoi suis-je encore ici?

Peut-être pour ce pic appelé Morne-la-Selle,

peut-être pour le chemin dit des Quatres-Chemins,

ou parce qu’il manque d’écoles,

pour ce fleuve nommé Artibonite,

la dame-oiselle appelée Sara,

ou pour le manque d’hopitaux,

peut-être pour cette rue appelée rue des Miracles,

une fleur qui fleurit à dix heures,

peut-être pour toutes ces âmes qui vivent dans le noir.

Parce que le FMI nous abuse-atrophie-démantèle-
vilipende,

parce qu’un policier a tué un étudiant place Capois-la-Mort,

parce que mon pays s’est fait yoyo, toupie folle,
coeur d’igname sans couteau.

Mais je reste

Pour cet arbre que j’aime à l’entrée de la Grande Anse,

Pour mon soleil brûlant qui rit des faux soleils,

Pour une femme nommée Emeline Michel,

Pour ces tambours qui ne cessent de battre,

Parce qu’il y a un héros appelé Dessalines,

Parce que inébranlable

il y a ici un peuple qui veut s’ouvrir à la vie.

Poème écrit en créole haïtien (Conjonction, n 195-195, »Cent poèmes créoles », Port-au-Prince, 1992), traduction de Lyonel Trouillot.

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