Poème d’Auguste Lacaussade (1815-1897) – LA RÉUNION (France)

Nous sommes les enfants, l’attente d’un autre âge,
De l’opprimé sur nous que les pleurs soient puissants !
Vengeons un séculaire outrage !
Du crime des aïeux nous sommes innocents !
Combattez donc, amis, sans relâche et sans trêve !
De toute énigme obscure un jour l’homme a le mot.
Non ! sa foi n’était point un rêve,
Et ce qu’il a prédit, nous le verrons bientôt.
Pressons de tous nos vœux l’aube qui doit éclore,
Hâtons l’avènement d’un jour pour tous meilleur,
Et vers l’horizon, vague encore,
Levons incessamment nos yeux et notre cœur.
A ses jeunes clartés l’avenir vous appelle ;
Détournez vos regards d’un présent déjà vieux,
Et semblables à l’hirondelle,
Pour trouver la lumière allez sous d’autres cieux.
La lutte vous attend ; dans la mêlée austère,
Vos mains se couvrirons de sanglantes sueurs.
Hélas ! pour féconder la terre
Les cieux ont leur soleil, l’homme n’a que ses pleurs.
Mais la lutte grandit, mais la lutte a ses charmes !
La pensée est un fruit que l’éclair doit mûrir.
Nous n’enfantons que dans les larmes :
Du présent en travail jaillira l’avenir.
Eh ! qu’importent la haine et la clameur jalouse !
D’un passé qui s’éteint les sarcasmes moqueurs !
Le malheur que la gloire épouse
Est un malheur, amis, fait pour de nobles cœur.
Marchez donc et luttez ! du vieux monde qui croule
Brisant les dieux, brisant la vieille iniquité,
Bâtissez un temple où la foule
Puisse abriter enfin sa féconde unité !
De la stérile nuit de nos haines premières
Que pour l’homme nouveau surgisse un nouveau jour !
Émancipez par les lumières,
Semez dans les esprits la moisson de l’amour !
Oh ! de l’amour surtout alimentez les flammes !
Rappelez cet amour que le méchant proscrit !
Enseignez sans cesse à nos âmes
Cette fraternité qu’enseignait Jésus-Christ !
Éteignez dans les cœurs les feux de la vengeance !
L’esprit affranchit mieux que le glaive irrité.
L’étoile de l’intelligence
Sur nos mœurs doit éclore la liberté.
Dites à ceux pour qui le destin fut sévère,
A ceux pour qui le sort n’a jamais eu d’affronts,
Que les eaux sainte du Calvaire
Ont indistinctement coulé pour tous les fronts ;
Que, maudit dans les cieux et maudit en ce monde,
Pauvre de tout le sang dont il est inondé,
L’esclavage est un sol immonde
Que les regards de Dieu n’ont jamais fécondé.
Poèmes et Paysages.
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