Poème d’Antoine Bertin (1752-1790) – LA RÉUNION (France)

Dieux ! que l’air est calme et pesant !
Dieux! qu’il fait chaud!
Sur quels rivages.
Sous quels favorables ombrages
Veux-tu reposer à présent ?
Le ciel se couvre de nuages,
Neptune agite son trident;
J’ai vu briller, à l’Occident,
L’éclair, précurseur des orages.
Viens, ce temps est fait pour l’amour.
Viens, ô ma tendre et douce amie !
Au fond de mon humble séjour,
Sur la natte fraîche et polie,
Du soir attendre le retour!
Fermons sur nous, à double tour,
La porte du verrou munie,
Et qu’une épaisse jalousie
Nous dérobe aux clartés du jour.
Eh quoi ! ta pudeur alarmée
M’oppose encore un vêtement !
As-tu peur, ô ma bien-aimée.
D’être trop près de ton amant ?
Lorsqu’il te presse, qu’il t’embrasse,
Peux-tu rougir de son bonheur?
Ôte ce lin qui m’embarrasse,
Ou des deux mains, sûr de ma grâce.
Je le déchire avec fureur.
De ton beau corps, que j’idolâtre,
Mes yeux parcourront tous les traits ;
De tes trésors les plus secrets
Mes baisers rougiront l’albâtre.
Couvre-toi de fleurs, si tu veux ;
Que ce soit ta seule imposture !
Laisse une fois à l’aventure
Flotter tes superbes cheveux ;
Et de cette conque azurée.
Cuite dans Sèvre, et décorée
Avec un soin industrieux,
Parmi cent parfums précieux,
Tirons ce nard délicieux
Dont l’odeur seule fait qu’on aime.
Qui prête un charme à
Venus même,
Et l’annonce au banquet des dieux.
Poème emprunté au site http://www.poemes.co