
En ce jour où nous fêtons votre quatre-vingt dixième anniversaire, il me tenait à cœur, chef Léopold Sédar Senghor, de vous féliciter et de vous présenter mes vœux les plus chaleureux.
Vous êtes à mes yeux, d’abord et avant tout, un homme d’État historique. Lorsque, au milieu des années 30, vous confiez à vos proches : « il faut qu’un jour le Sénégal soit libre et je veux être l’ouvrier de son indépendance », votre accent de conviction ne provoque qu’un sourire semi-sceptique — mais un quart de siècle plus tard, l’étendard vert, jaune et rouge, frappé en son centre de l’étoile de l’espérance, flottera au faîte des édifices de votre pays. C’est vous qui, après avoir été élu à l’unanimité premier président de la République du Sénégal, guiderez, avec une fermeté paternelle, un peuple courageux sur les chemins du développement.
Mais au-delà du Sénégal, c’est l’Afrique tout entière qui a reconnu en vous son ambassadeur. Vous vous saviez investi d’une mission, vous qui avez écrit dans Éthiopiques : « J’ai la confiance de mon peuple. On m’a nommé l’Itinérant. » Pétri de culture humaniste, philologue érudit, vous avez lutté avec les armes de l’intelligence : celles de la finesse diplomatique, de la patience, de la probité, animé par la conviction de défendre une cause juste. Vous avez lutté aussi avec votre plume. Dans la revue que vous fondez avec votre ami Aimé Césaire, vous employez pour la première fois ce terme de« négritude » qui, parce qu’il rencontre une vérité, vivra de sa propre vie. Enchantant la noblesse du peuple noir, en magnifiant le minuscule coin de terre qui vous a vu naître, si bien que nul désormais ne pourra plus le voir qu’à travers vos yeux, vous œuvrez pour la reconnaissance et l’indépendance de l’Afrique et vous signez quelques-unes des plus belles pages de la poésie française de ce siècle.
Du Siné à la Seine, du stalag à la présidence, vous avez connu, cher Léopold Sédar Senghor, un destin hors du commun. Un destin qui a fortement marqué l’histoire et la littérature de notre siècle et qui continuera longtemps à fasciner la jeunesse, pour qui votre nom, celui d’un grand poète et d’un grand homme d’État, est symbole de générosité, de dialogue et d’espoir.
Vous renouvelant tous mes vœux de paix et de santé, je vous prie de croire, cher Léopold Sédar Senghor, cher Maître, à l’expression de mon amitié et de mon admiration profondes.
Poème emprunté au site https://unesdoc.unesco.org/