Bernadette Ginestet-Levine (1946-) – Partenaire d’AFROpoésie – ALGÉRIE
Les pas s’allongent
Se jouent de l’ordre des siècles
Les millénaires se répondent en échos puissants
–
Une dame carthaginoise à sa toilette
Me dévisage en biais dans l’ovale d’un miroir
Double regard en jetée d’éventail
–
Du bout de la langue
Je goutte sensuelle
La dernière gorgée de lait qui s’écoule
Du bec entr’ouvert
D’un biberon d’argile aux lignes d’oiseau
–
J’avance et longe la volute musclée
D’un python volant en apesanteur
Au bout de son câble transparent
–
Je m’attarde un instant
Sur les modelés puissants
Des corps d’hommes
Neptune a son quadrige
Semble affuter un regard prédateur
Pan aux fins traits d’éphèbe glabre
Caresse érotiquement sa lyre
Tout vibre
–
Des mosaïques refont le monde à l’infini
Fards pigmentés d’infimes pierres taillées
Là les pétales d’une rose flétrie
Couleur d’aube
Se nimbent déjà de jeune lumière
–
Les trois grâces sont figées à jamais
Dans le drapé savant de leurs voiles impudiques
–
Reprise des rythmes
Deux naines de bronze noir
Dansent leurs furieuses bacchanales
–
Le temps dévoreur
A vérolé la chair des statues retirées de l’eau amputées
Leurs moignons boursouflés
Sont
Oh Villon
Plus becquetés que dés à coudre
Là
Des balles ont troué le verre et la pierre
Là
Il y a trois mois et trois jours
Du sang a coulé
