Monia Boulila (1961-) – Partenaire d’AFROpoésie – TUNISIE
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Nous avons tous une feuille
Sur cette corde à linge
Au côté des vêtements mouillés
J’épingle ma feuille sur la corde
Je sens
Etre un arbre
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Je chute dans une zone
Où les lettres ne sont jamais nées
Où aucune pensée n’est bannie
Vêtue en fleur
Je danse en ta mémoire
Je grave cette danse sur la pierre
Un milliard d’années passées
Cette danse
Signifierait toujours l’amour
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Ce que j’écris
Est emprisonné et mis à mort
Avec un alphabet malade
Faut-il vivre la liberté
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Tu viens
Mon ombre sur tes épaules
Tu pars
Je reviens sans ombre
52
N’imagine pas que je dors dans les bras de la mort
C’est la mort
Qui dort dans mes bras
Fais confiance
à la berceuse de mes yeux
53
Malgré toute ma haine pour toi
Je ne te souhaiterais pas de mourir
Que la mort vieillie
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Tu n’es pas là
Mais chaque nuit
Tes mains sur mes épaules
Et tu gardes entre tes doigts une cigarette allumée
55
Ma solitude
Tu veux enterrer le bruit d’une grande route
En moi
N’avance pas
Laisse les papillons
S’envoler en moi
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La vie est si catastrophique
Que
Rien d’autre
Ne semble catastrophique
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Tu as vieilli très vite
Je n’étais pas un bon enfant pour toi
A ta vieillesse
Je regrette de dire que
Tu dois aller à la maison de retraite
Mon amour
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Je me suis réveillé
Le monde était déjà parti
Je suis resté avec
Cet espace vide
59
Hier
Elle s’était perdue dans les motifs de son tchador
Aujourd’hui
Elle s’est retrouvée dans les bourgeons du pommier
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J’invite
Mort à
Salut à
Au thé
Pour que la vie vie sa vie
61
Nous ne sommes que des crachats
On s’imagine toujours un chant
Dont le chanteur a été assassiné
Mais nous ne sommes que des crachats
62
Rien ne murmure
Le silence
S’affiche sur les signes
Dans toutes les rues
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Te voir
Est une habitude
Quand tu n’y es pas
Je te vois encore plus
64
Ma mère parle la langue des hirondelles
Mon père enseigne l’alphabet des fourmis
Moi je connais le langage corporel des poissons
Toi, tu ne traduis que par toucher amoureux
La distance
Te rend illisible
65
Sois où que tu sois
L’amour est étrange
Il existe quand tu existes
Tu n’existes pas et l’amour se fait de plus en plus sentir
66
Je pense à toi
Les cicatrices de mon corps
se cicatrisent
Et si tu penses à moi
Je suis invincible
Sans le talon d’Achille
Et les yeux d’Esfandyar
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Toi et moi
Avons regardé les nuages
Tu partais
Et je tombais
Avec les nuages
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Nous sommes vivants dans nos tombes
Et morts dans nos lits
La vie ne nous va pas
Et la mort ne va à personne
Exister, ne pas exister
Telle est la question bien erronée
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Le monde est petit
Plus petit que toi
Et nul ne sait
Combien de galaxie de vie
Se trouve
Dans tes bras
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Si tu n’existais pas
Je serais une estrade en ciment froid
Couverte de mousses mouillées
J’ai laissé une plante verte
Comme trace
Pas un bon signe
Sans toi
Je ne bourgeonne plus
Regarde cette plante même
Tu me verras danser doucement
Poème de SânâzDâvoudzâdéfar
Extrait de Je piétine sur les lettres mortes
Traduit par Kianouche Amiri