Initiation à la poésie iranienne – partie IV (proposée par Monia Boulila)

Monia Boulila (1961-) – Partenaire d’AFROpoésie – TUNISIE

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48

 

Nous avons tous une feuille

Sur cette corde à linge

Au côté des vêtements mouillés

J’épingle ma feuille sur la corde

Je sens

Etre un arbre

 

49

 

Je chute dans une zone

Où les lettres ne sont jamais nées

Où aucune pensée n’est bannie

Vêtue en fleur

Je danse en ta mémoire

Je grave cette danse sur la pierre

Un milliard d’années passées

Cette danse

Signifierait toujours l’amour

 

50

 

Ce que j’écris

Est emprisonné et mis à mort

Avec un alphabet malade

Faut-il vivre la liberté

 

51

 

Tu viens

Mon ombre sur tes épaules

Tu pars

Je reviens sans ombre

 

52

 

N’imagine pas que je dors dans les bras de la mort

C’est la mort

Qui dort dans mes bras

Fais confiance

à la berceuse de mes yeux

 

53

 

Malgré toute ma haine pour toi

Je ne te souhaiterais pas de mourir

Que la mort vieillie

 

54

 

Tu n’es pas là

Mais chaque nuit

Tes mains sur mes épaules

Et tu gardes entre tes doigts une cigarette allumée

 

55

 

Ma solitude

Tu veux enterrer le bruit d’une grande route

En moi

N’avance pas

Laisse les papillons

S’envoler en moi

 

56

 

La vie est si catastrophique

Que

Rien d’autre

Ne semble catastrophique

 

57

 

Tu as vieilli très vite

Je n’étais pas un bon enfant pour toi

A ta vieillesse

Je regrette de dire que

Tu dois aller à la maison de retraite

Mon amour

 

58

 

Je me suis réveillé

Le monde était déjà parti

Je suis resté avec

Cet espace vide

 

59

 

Hier

Elle s’était perdue dans les motifs de son tchador

Aujourd’hui

Elle s’est retrouvée dans les bourgeons du pommier

 

60

 

J’invite

Mort à

Salut à

Au thé

Pour que la vie vie sa vie

 

61

 

Nous ne sommes que des crachats

On s’imagine toujours un chant

Dont le chanteur a été assassiné

Mais nous ne sommes que des crachats

 

62

 

Rien ne murmure

Le silence

S’affiche sur les signes

Dans toutes les rues

 

63

 

Te voir

Est une habitude

Quand tu n’y es pas

Je te vois encore plus

 

64

 

Ma mère parle la langue des hirondelles

Mon père enseigne l’alphabet des fourmis

Moi je connais le langage corporel des poissons

Toi, tu ne traduis que par toucher amoureux

La distance

Te rend illisible

 

65

 

Sois où que tu sois

L’amour est étrange

Il existe quand tu existes

Tu n’existes pas et l’amour se fait de plus en plus sentir

 

66

 

Je pense à toi

Les cicatrices de mon corps

se cicatrisent

Et si tu penses à moi

Je suis invincible

Sans le talon d’Achille

Et les yeux d’Esfandyar

 

67

 

Toi et moi

Avons regardé les nuages

Tu partais

Et je tombais

Avec les nuages

 

68

 

Nous sommes vivants dans nos tombes

Et morts dans nos lits

La vie ne nous va pas

Et la mort ne va à personne

Exister, ne pas exister

Telle est la question bien erronée

 

69

 

Le monde est petit

Plus petit que toi

Et nul ne sait

Combien de galaxie de vie

Se trouve

Dans tes bras

 

70

 

Si tu n’existais pas

Je serais une estrade en ciment froid

Couverte de mousses mouillées

J’ai laissé une plante verte

Comme trace

Pas un bon signe

Sans toi

Je ne bourgeonne plus

Regarde cette plante même

Tu me verras danser doucement

 

Poème de SânâzDâvoudzâdéfar

Extrait de Je piétine sur les lettres mortes

Traduit par Kianouche Amiri

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