Poème de Mohammed Dib (1920-2003) – ALGÉRIE
Il flotte sur les quais une haleine d’abîmes,
L’air sent la violette entre de lourds poisons,
Des odeurs de goudron, de varech, de poisson ;
Le printemps envahit les chantiers maritimes.
Ce jour de pluie oblique a doucement poncé
Les gréements noirs et gris qui festonnent le port;
Eaux, docks et ciel unis par un subtil accord
Inscrivent dans l’espace une sourde pensée.
En cale sèche on voit des épaves ouvertes;
En elles l’âme vit peut-être… Oiseau têtu,
Oiseau perdu, de l’aube au soir reviendras-tu
Rêver rie haute mer, d’embruns et d’îles vertes ?
Je rôde aussi, le cœur vide et comme aux abois,
Un navire qui part hurle au loin sous la brume ;
Je tourne dans la ville où les usines fument,
Je cherche obstinément à me rappeler, quoi?