Poème d’Ousseynou Thiombiano (1993-) – Partenaire d’AFROpoésie – SÉNÉGAL
À ma mère
Le verbe sacré scella ton nom avant ta naissance
Sous la parole du poète soutenu par les pangoles*.
Ô Soukeyna ! Et même dans la tombe, son alvéole
Bat pour toi un tam-tam de filiation et d’allégeance.
C’est à la citadelle des tanns, ces étendues salées
Du royaume de Maïssa Wally* où trouvent terroir
Fiers Farbas, lamanes, lingueers et Guélewaars*,
Qu’il consentit à t’honorer et à se faire ton valet.
Ô Soukeyna ! Tu es l’égérie africaine à mes yeux
Comme aux siens parce que devant ta face brune
J’ai découvert l’Afrique de tes yeux de clair de lune
Où rôdent les cercles mystiques des génies et aïeux
Dans la spirale voie lactée des kouss* du tamarinier.
À travers tes yeux, perce le regard hagard du Varan
Grand lézard, totem de Mamagétye* et de ton clan
Depuis le chant des lamantins et les pilotis du grenier.
Et à vos pieds, génies, aïeux, kouss et totems d’antan,
Je pose des jarres de vin de palme vidées par vos papilles
De sitôt. Rendormez- vous dans le reposoir de sa pupille !
À moi, crocodile gourmantché de la protéger dorénavant.
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* Pangoles: âmes des ancêtres en culture sérère, ethnie sénégalaise
* Farbas, lamanes, lingueers et Guélewaars: différentes classes de l’aristocratie sérère
* Mamagétye: lieu de culte à Joal Fadiouth
* Kouss : nain investi de pouvoirs mystiques dans l’imaginaire des cultures sérère et wolof