Poème de Rodrigue Hounsounou (1986-) – Partenaire d’AFROpoésie – BÉNIN
(I)
Entre le pont et la maison des jeunes
Il y a cet homme pourtant encore jeune
Marchant, marchant sans amour
Toute la journée, tous les jours
Sans destination aucune
Sans boussole aucune
Errant le jour et la nuit
Errant sous le soleil et la pluie;
Une loque humaine.
Seuls quelques haillons de laines
Couvraient encore sa partie intime.
Un destin déchiré ! Un coupable victime !
Selon les dits des uns et des autres
Ce jeune homme comme des milliers d’autres
Avait à coups de hache et de sang
Arraché la tête d’un enfant innocent
Qu’il aurait croisé sur le chemin de l’école.
Devenir à tout prix riche et royal;
Jusqu’au prix fort : Le sacrifice humain.
Jeunesse insouciante, oisive et de festin !
Jeunesse avide de luxe et d’argent !
Trafique d’organes humains émouvant,
Cybercriminalité et fétiche kennessi
Constituent les premières voies choisies
Pour un bonheur hypothéqué et sans fierté.
Le voilà marchant sans arrêt; hanté
Entre le pont et la maison des jeunes
Pourchassé par le fantôme aux cornes
De cet enfant ABIKOU: blasphème.
La folie s’est emparée de son âme.
(II)
Entre le marché et la vallée,
Il y a cette femme pourtant très belle
Portant sur sa tête ou entre ses aisselles
Des colis soigneusement emballés.
Elle était l’incarnation la plus
Achevée de Dieu, de son mari échu.
Tendresse et passion féroce entremêlées
Faisaient le charme de son foyer.
Une femme tellement belle
Qu’elle attirait sur elle
Les regards les plus lubriques
Mais aussi des vœux magnifiques.
De sa démarche flexible et noble,
De son teint noir d’ébène ineffable,
De son sourire fascinant sans cesse;
Elle éblouissait de la luminescence
De ses dents un monde si superficiel
Au Sud comme au Nord du ciel.
Femme aux multiples qualités,
Femme dévouée au foyer
Femme-lionne, femme-énergie
Femme-générosité, femme mère poule.
Désormais, elle arpente les rues; seule
Victime de jalousie et de polygamie.
Son foyer volé, ses enfants dispersés.
L’homme prit en seconde noce Djagassi
Dont le cœur n’inspirait que l’antipathie.
Époux gbôtémisé, famille bercée et flouée
Dans ce conflit de charlatanisme fatal
Co-épouse rendue folle.
Elle était pourtant la première, la destinée
Destin radieux ! Destin violé ! Destin écrasé
Dans son innocence, elle est poursuivie
Et tourmentée par des forces invisibles.
La folie a pris possession de son esprit.
Déchirements et lamentations pénibles;
La polygamie ruine en silence
Les familles africaines et affecte
Une société déjà déconfite.
De de la beauté et de l’insouciance,
Elle passa à la laideur et à la folie.