Poème de Rodrigue Hounsounou (1986-) – Partenaire d’AFROpoésie – BÉNIN
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Entre la maison familiale et les champs,
Il y a ce vieillard au regard méchant
Faisant du matin au crépuscule
Un va-et-vient presque machinal.
Lorsque vous le croisez, son physique
Vous pousse de façon systématique
A vouloir connaître son histoire
C’est un choc : sa vie, un masque noir.
Personnage plein d’humilité
C’était du moins ce côté
Plaisant et aimé de tous
Qu’il avait jusque-là montré avec malice
Toujours prêt à se sacrifier pour l’autre
Toujours prêt à montrer la voie tel un maître
Il avait tout donné à ses neveux, fiers
De lui pendant que son frère était grabataire
En restant à son chevet, affligé de douleur
Présent de jour comme de nuit en pleurs.
A présent, voyez-le sans âme
Peau émaciée et décatie par des phantasmes
Jambes et bras désossés par la mélancolie
Tête et visage terriblement amaigris
Il avait l’air d’un enfant apathique
Atteint du marasme ou du rachitisme chronique
Il aurait selon les racontars marabouté
Son frère cadet pour l’aliter
Et durant sa longue maladie répétée
Continué à l’empoisonner
Avec le rite quotidien qu’il venait
Lui apporter et se chargeait
Personnellement de lui faire boire
Jusqu’à ce que la mort l’emporte un soir.
Aussitôt après l’enterrement, sombre abîme
Où il pleura son frère à chaudes larmes
La femme et l’aîné sans soutien consolant
Moururent mystérieusement dans un accident
A nouveau il pleura toutes les larmes crues
De son corps. Une nuit de pluie drue
Il se cacha derrière la case du benjamin
De son frère. Gri-gri et piquet en main
Il voulait exterminer toute la famille
D’orgueil et d’argent, ses yeux pétillent
Hériter à lui seul des tas
De champs de leur père tué tel un appât.
Hélas ! La nature ne pardonne pas
Tout se paie chèrement ici-bas
Et la punition divine est sans pitié
Au moment d’enfoncer le piquet
Il fût foudroyer par l’éclair divin
Le retour de la pierre lancée de ses mains
Destin forcé, destin vendu au mal
Destin sacrifié inéluctablement au mal
Le lendemain matin on le découvrit fou
Gri-gris et amulettes accrochés à son cou
Contant dans le vide ou à qui le demande
Ses actes horribles, ses crimes immondes
Il erre dorénavant entre les champs
Et la maison paternelle l’âme et l’esprit au vent.