Poème de Rodrigue Hounsounou (1986-) – Partenaire d’AFROpoésie – BÉNIN
Illustration: And Elohim Created Adam, William Blake, 1795
Très haut dans le ciel nuageux,
À travers monts et vallées,
Il scrute l’Homme trop envieux.
Il a ravivé en moi la pugnacité.
Mais je suis fatigué de combattre.
Je suis dégoûté de me battre.
Je suis irrité Seigneur
De poursuivre un monde meilleur.
Ne me parlez pas de la forêt.
Je la connais bien; un mirage.
J’en suis moins fier.
J’ai assisté à la déforestation sauvage
À la floraison de mines d’or
À ciel ouvert. De véritables poisons.
J’ai nagé dans les rivières de poissons
Empoisonnés au mercure et au fluor.
Ne me parlez pas de la beauté
Je préfère encore avoir l’air
D’un gros vieux mammouth frisé
Que d’utiliser ces pommades au lait,
Ces crèmes harassantes qui usent
Et déciment la peau quand
On en abuse trop longtemps.
Nous devenons des cobayes qui frisent
Tous les jours la mort;
Qu’on ouvre dans les laboratoires du Nord
Et sur qui on teste des produits chimiques
Qui nous rendent toxiques.
Ne me parlez pas de la paix.
Je vis dans un monde d’horreur.
J’ai vu des mères frappées de frayeur;
Se faire violer par des soldats de la paix
Devant leurs enfants et leur mari
Tétanisés de peur et atteints d’hystérie.
Mes yeux ont vu l’insoutenable.
Des terres étanchées de mers rouges imbuvables
Et parsemées des cadavres de l’innocence
A l’odeur de l’humaine violence.
Ne me parlez pas de la joie
Lorsque des êtres humains perdent la foi;
Pourchassés par la soif et la faim
Se nourrissant d’herbes fraîches, de foins
Et de viande crue.
Lorsque la pitance devient le fruit
De la main tendue au premier individu;
La mendicité dans les rues
Avec des visages aux yeux
Affreusement exorbités et vieux,
Des membres rongés par la lèpre,
Des côtes exposés; symboles de l’impropre.
Ne me parlez pas de volonté
Ne me parlez pas de fierté
Ne me parlez pas de bravoure
Ne me parlez pas d’amour
La nature humaine est noirceur.