Poème d’Andy Davigny Péruzet (1981-) – Partenaire d’AFROpoésie – GUADELOUPE (France)
Vidéo-poésie réalisée avec les photographies de Randa Maroufi (exposition Les Intruses) & Aglaé Bory (exposition Les garçons d’en bas)
Des pigeons ou des rats, qui pour distraire
Les Vénus confinées à leur verdure anxieuse ?
Suspendus au vieux pont, les clichés de nous-mêmes
Épient la moindre étreinte valant de l’or,
Geste d’une insouciante Éternité.
Et les hommes se frôlent encore à Barbès,
Et les femmes s’effleurent encore à Barbès,
Dans la valse irréelle des voiles brodés à main nue.
À Barbès les doigts agiles et sales soupèsent les fruits
Avant de tout remettre entre les mains de Dieu.
À Barbès le ciel et la terre, d’un commun accord,
Semblent indifférents au sort du Monde.
Ici la harde des nuages blancs paisse paisiblement
S’offrant à la caresse bleue du printemps.
Ici on est venu au Monde avec le corps bai
Qui rappelle la douleur chaude de l’exil.
Et les bras se tendent encore à Barbès,
Et les jambes défilent encore à Barbès,
Et il reste encore la sueur à Barbès,
Et le rire du soleil triomphal
Que l’on entend résonner dans les paillettes
Des petites filles qui caracolent
Entre les replis des robes amples.
Car ici rien ne se garde pour soi
Pas même la solitude, lubie d’un autre temps
Pas même le bruit.
Au marché de Barbès, le Monde s’est échappé
Du rythme des beautés et des laideurs.
Au marché de Barbès, la mort braconne en silence.
Extrait du recueil Intravagances