Poème d’Alcide Baret (1914 – 1959) – LA RÉUNION (France)
Illustration : vue du piton des Neiges (La Réunion) en 2008
Il est une Île fière aux rives de basalte,
Aux sommets enivrés d’azur et de soleil,
Une Île dont le cœur enthousiasmé s’exalte
Sous l’ardente « Fournaise » et les grands soirs vermeils.
Elle verse à la fois vigueur et nonchalance
Par ses hivers cléments et ses brûlants étés ;
La nuit elle s’endort aux accents des romances
Et porte dans son sein de chaudes voluptés.
Au chant des flots indiens elle berce ses sables
Et d’innombrables cœurs vers le rêve inclinés ;
La brise y fait jouer les harpes inlassables
De ses longs filaos… C’est là que je suis né,
C’est là que tous mes jours se remplissent du faste
Des cirques majestueux et des vives clartés,
C’est là que l’horizon d’un Océan si vaste
Emprisonne mon cœur enivré de beautés…
Ta splendeur, ô joyau ravit mes yeux d’artiste,
Et mon cœur te chérit autant que ma raison ;
Mais quelquefois, le soir, mon âme est toute triste
Quand un rêve l’emporte à d’autres horizons !
Un mirage à mes yeux met ses neiges lustrales
Ses printemps lumineux en leurs gracieux décors,
Ses étés plus cléments que nos chaleurs australes
Et la riche beauté de ses automnes d’or.
Pourquoi t’aimé-je tant, ô lointaine patrie,
France que mes regards ne peuvent contempler
Que sur des clichés morts ! Quand une Île chérie,
De sublimes trésors est là pour me combler ?…
Primes accords, 1949.