Poème de Malcolm de Chazal (1902-1981) – MAURICE
Illustration : image satellite de l’île Maurice en 2006 (NASA)
Lecteur, quand tu dépasseras le « pont en fer » à Phoenix, sur la route asphaltée, murée de cannes à sucre, qui mène à Port-Louis, de Curepipe – l’ensevelie-sous les brumes, – regarde à gauche intensément, puis détache ton regard comme pour vouloir mystifier le monde – regarde en visionnaire, et tu verras ceci.
Sous l’œil impressionniste, un majestueux visage se détache en profil sur la pierre coupante, du côté aigu de la grande tranche du Corps-de-Garde qui donne vers l’Ouest. L’autre versant abrupt est muet. Seul un temple hindou fleurit sur ses pentes.
Ce visage est plat et large, malgré l’aigu du profil dominateur. Le front mange le ciel. Le menton accroche comme une épée. Et seul le buste paraît. Tu peux le voir à mi-poitrine.
Ce matin, je regardais ce visage, et voilà tout d’un coup que je ne fus plus. L’illumination m’avait saisi, et je passais au-delà de moi-même. Je suis maintenant dans le sarcophage du Corps-de-Garde, tombeau abritant le dieu Tot.
Et je vécus le sommeil de pierre.
Ce côté ouest de nos montagnes, – la Chaîne des Trois-mamelles, le Piton du Rempart, le Corps-de-Garde – fait le saint des saints de la Chrétienté Occidentale Prophétique.
Si j’ai vu Moïse ici, les « autres » doivent être là, les Très-Saints. Car Moïse préfigure.
(« Petrusmok« , éditions L’Harmattan, 2001) – source du passage cité : http://www.isle-bourbon.com/