Au fil de l’arroyo

Poème de Jean Ricquebourg (1868-1914) – LA RÉUNION (France)

Illustration: arroyo affluent de la rivière Paraná, dans la municipalité de San Pedro (Wikipédia).

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Au fil de l’arroyo tranquille et sinueux,
Sans efforts et sans bruits de marins ni de rames,
La jonque, avant cambré, promenait par les cieux
Sa voile, plein hamac où se berçaient des âmes.

Elle glissait. Le mât, comme un bras étendu,
Pointait, pour les compter, les émaux des étoiles.
Dans quel port son retour était-il attendu ?
Souple, elle obéissait au gonflement des toiles.

Les arbres de la rive, au groupement obscur,
Dans l’immobilité figeaient leur attitude,
Et l’arroyo semblait traîner au pied d’un mur
Son grand corps surchargé d’âge et de lassitude.

Au bord de l’horizon menant son vol égal,
Précédant ou suivant des bouquet de lumière,
La jonque se mouvait dans un brouillard astral
Pour répondre à l’appel d’autres feux en poussière.

Le ciel se reflétait en décalque dans l’eau,
Dont la masse au repos avait l’aspect étrange
D’un monstre écaillé d’or, couronné d’un halo,
Enivré d’un sommeil qu’aucun heurt ne dérange.

L’eau dormait, et la voile éployée avait l’air
D’être son rêve altier en marche dans l’espace,
Rêve surnaturel, si profond et si fier
Que tout paraît soudain s’effacer quand il passe.

 

L’encens et le Riz, 1912.

 

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