Extrait d’interview de Tahar Ben Jelloun (1944-) – MAROC
Illustration : Tahar Ben Jelloun par Claude Truong-Ngoc (2013)
« Pour certains être engagé en littérature c’est un peu ringard. Moi je viens d’un pays où l’intellectuel n’avait pas le choix. Il fallait se positionner par rapport au régime politique. Très tôt je me suis engagé dans la lutte pour le respect des droits de l’homme. J’ai été sévèrement puni pour cela : 19 mois de camp disciplinaire de l’armée avec maltraitance, privation de toute liberté etc. Quand j’ai été libéré, j’ai poursuivi mon combat. En 1971 j’ai dû partir presque en fuite en France, car le général Oufkir de sinistre réputation préparait ses coups d’Etat et enfermait les intellectuels.
Aujourd’hui je réagis à tout ce qui m’indigne et me met en colère, que ce soit l’injustice qui s’acharne sur le peuple palestinien (Israël peut tout faire, il reste un État impuni), ou que ce soit les horreurs commises par les barbares de Daech qui non seulement salissent l’islam mais précipitent les peuples musulmans dans une régression gravissime. Je reste à l’écoute et en éveil. Il m’arrive de désespérer, de sentir une vraie fatigue, mais je résiste. Un intellectuel occidental ne risque rien (à part Salman Rushdie) mais un écrivain de culture musulmane risque sa vie chaque fois qu’il s’engage. »
https://cn.ambafrance.org/ (2015)