Monchoachi sur la francophonie

Extrait d’interview de Monchoachi (1946-) – MARTINIQUE (France)

Photo de Laurent Vielet (www.potomitan.info)

La francophonie qui avait été au départ, au début des années 60 au moment du retrait français de ses colonies africaines, comme un des éléments d’une stratégie géopolitique de redéploiement de sa domination, et qui prenait appui sur des chantres leaders littéraires francisés tel Senghor, trouvait à se justifier, au regard même des élites africaines, comme instrument d’unification de nations arbitrairement constituées par la colonisation.

Cette justification ne faisait que masquer la réalité qui en constituait l’envers, à savoir : qu’une langue ne peut être réduite à un simple instrument, à un simple objet, mais ouvre sur un champ qui lui est propre, ouvre à un chant qui lui est propre, et que par conséquent la visée de la « francophonie », par delà la gloriole française, en tous cas son résultat, était de séparer les peuples africains de leur propre monde, de leur propre chant, de leur aliéner leur propre monde, pire, de les dresser contre leur propre monde.

Aujourd’hui, alors que pointe le risque d’une uniformisation à l’ère de la mondialisation, la francophonie se trouve réembrigadée cette fois pour la défense de la « diversité culturelle » et pour faire pièce à la toute puissance anglo-américaine. Mais « La France », elle, se soucie fort peu par ailleurs de l’existence de la diversité dans son propre pré-carré et refuse toujours avec obstination d’adhérer à la Charte européenne des langues régionales.

Le Monde, 14 mars 2003

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