Poème de Sonny Rupaire (1941-1991) – GUADELOUPE (France)

Frappez, nègres, frappez, au rythme de vos cœurs,
sur les lourds pavés gris, au rythme de la haine
frappez toujours, cachez la peine,
cachez la peur à vos géreurs.
Gardez le front baissé pauvres têtes crépues,
creusez le long chemin sous l’aride soleil,
pas de repos, pas de sommeil,
souffrez dans vos poitrines nues.
Ne soyez pas jaloux, n’enviez jamais personne,
l’âne a son bât, le bœuf son joug, le chien ses os,
le chat on caresse son dos,
tant pis, c’est le fouet qu’on vous donne.
Pavez sous le soleil cet horrible calvaire
pendant que vos femmes, vos enfants à leur cou,
gémissent et pleurent pour vous
aux genoux du géreur sévère
Frappe bourreau, mais frappe encore, frappe plus fort,
dans ce sang qui jaillit assouvis donc ta rage,
frappe ces dos meurtris, frappe toujours sauvage,
frappe cet épiderme ; écorche-lui le corps.
N’y a-t-il pas assez pour venger ton argent ?
non ? Prends-lui ses amours, vole lui sa compagne ;
s’il s’enfuit, lâche-lui à travers la campagne
tes chiens, dogues bavant assoiffés des son sang !
Nègre, esclave, dameur, entends-tu dans le vent
cette voix qui te dit de garder l’espérance ?