Poème d’Essaid Manssouri (1991-) – Partenaire d’AFROpoésie – MAROC

Ô Marrakech,
Ô lèvres rouges,
Tu es silencieuse et sur tes joues
Je marche, pas lents, regards d’amant,
Les lumières ont changé de toi,
La caravane d’adieu là
Les touristes du bonheur
Attendent ta rencontre,
Comme tu es belle la nuit !
Le bruit de l’amour sur les trottoirs
Les cris l’épicier et colporteurs
Les vendeurs ambulants
Huit heures ! Couvre-feu !
Mettez le masque,
Déplacement !
Liberté n’est plus,
La nuit Marrakchinoise.
Marrakech a changé,
La tristesse accable Djemaa El-Fna,
Et le vide est ma chanson
Ma tristesse aujourd’hui c’est toi
Marrakech est comme moi
Un vide qui nous habite
La tristesse du désir
Pour un amant disparu
Depuis longtemps
Dix heures trente !
Là, un rire triste
Filles errantes,
Ici près de moi,
Vieil homme fatigué,
Sourires hésitants
Sur les fenêtres
Le monde de Marrakech a changé
Le musicien s’inquiète
C’est une autre fois
Marrakech rouge
Je suis venu te dire,
Je suis revenu vers toi,
Je suis cet étudiant
Qui te demandait le savoir
Te souviens-tu ?
Je suis cet errant étourdi,
Sans abri, très idéal
Dans tes couloirs,
Je restais comme le sel
Dans le saloir.
J’étais accroupi, assoupi
Dans un parloir,
Cette pièce morne
Carrée, serrée,
Je suis cet étudiant
Qui rompt le jeûne,
Avec du thé et du pain
Et des lentilles
Je suis cet étudiant
Qui a vécu de toi et en toi,
Je suis cet étudiant
Qui attend chaque mois
Pour effectuer la location
J’ai tout appris de toi
Faim et décadence
Subjugation et pauvreté
J’ai appris de toi
À écrire ces lettres
J’ai appris de toi
L’été et sa chaleur
L’hiver et sa douleur
Le printemps et ses fleurs,
J’ai appris que je suis
Comme une chauve-souris
Qui ne dormait pas la nuit
Je suis cet étudiant,
Cet étudiant qui pensait
À ses études
Ce soucieux qui révisait
Ses leçons,
Je suis cet étudiant
Qui était resté debout
Tant de nuits,
Affamé et inquiet
J’ai vu ces sortes
De tourments
J’avais l’habitude
De dire que j’irai mieux,
Mais tout s’est mal passé
Je suis cet étudiant
Du sud-est exclu,
Cette mère me disait
D’être patient
Sois patient, sois patient !
Je suis cet étudiant
Te souviens-tu ?
Je suis cet étudiant
Qui avait mal au genou,
Le sort m’a fait mal,
Il m’a cassé le genou
Pour que je retourne
Dans mon village,
Je suis cet étudiant
Qui a des rêves réels
Dans mon état conflictuel,
Eh ! Aujourd’hui,
Je suis revenu vers toi
Je t’emporte ce poème
Nostalgique, mélancolique,
Pour t’en dire autrement
Je suis un errant
Ce touriste étranger
Je suis du Sud-Est
Maître de chômage,
Tel est mon soleil
Sous tes nuages.
Telle est ma pluie
Sans orages,
Tel est le Poète
Des otages,
Je suis ce pigeon
Libre sans cage,
Poète des tambours
Sans mariages,
Tel est le voyageur
Sans but, sans bagages,
Une vérité dite, pure,
Sans mensonges,
Cette bohème
Qui chante les villages
Ce long poème
Qui décrit tes paysages,
Cette affreuse politique
Qui invente les adages,
Ces partants, ces oiseaux
De tristes ramages,
Mes chansons solitaires
Mes prisonniers de la rage.