Poème de Nyakayonga – RWANDA

Puisque Dieu nous ménage une occasion de réjouissance,
J’en profite pour solenniser les louanges des Rois…
Vous autres, Basîndi, Dieu Vous a donné une inviolable fécondité, (1)
Pour que Vous deveniez forts, régniez sans frontière,
Et soyez plus élevés que vos rivaux !
Ô princes aux heureux présages, Vous êtes des dominateurs !
Vous avez, Vous autres, une profonde paix,
Ainsi que le prestige devenu votre apanage…
Ô Dépositaire de la vie, je viens exalter vos triomphes, (2)
Et la pérennité qui Vous caractérise.
Vous avez submergé les autres Rois du dehors :
Vous les dépassez sans comparaison.
Vous avez, plus qu’eux tous, le Dieu qui Vous a élus,
Qui Vous a donné les succès, Vous faisant triompher de l’étranger.
Il Vous a conservé la succession et les Epouses :
Et lorsque Vous attaquez, jamais Vous ne reculez vaincus…
Tu as déraciné les meurtriers de ta Famille :
Tu as anéanti les descendants de Nstibura, (3)
Tu les as vaincus sans retour !
Depuis ton avènement, victoires continuelles :
Tu as détourné de nous d’innombrables calamités…
Sais-tu, ô l’inégalable, ce qui Vous rendit supérieurs aux ennemis ?
Poème emprunté à http://www.kaowarsom.be/
Ce poème « Puisque Dieu nous ménage une occasion de réjouissance » (« NÔne îlTlamàna iduhâye küvüza impûndu ») fut composé par l’aède Nyakayonga en 1875, pour célébrer la victoire remportée par l’expédition punitive dirigée contre Kábego, roitelet de l’île îjw i, qui avait refusé de payer le tribut traditionnel que la dynastie insulaire devait au roi du Rwanda. (4)
(1) Basîndi : terme générique désignant le clan dynastique du Rwanda, dont l’ancêtre éponyme est Yuhi I Musîndi, petit-fils de Gfhânga, le fondateur de la Maison régnante. L’appellation « Banyfginya » s’applique plutôt aux membres du clan royal joignant la richesse à leur ascendance royale plus ou moins éloignée.
(2) Remarquez que l’énallage est du poète qui interpelle le roi et, en sa personne, s’adresse au collège de ses ancêtres. Cette remarque vaudra pour d’autres passages encore des traductions qui suivront. Dans cette étude le pluriel de majesté, inconnu au Rwanda, a été soigneusement écarté.
(3) Le Roi Ndahiro II Cyàmâtare, comme nous le verrons en son temps, fut tué par Ntsibura, Roi du Bunyabüngo. La dynastie de l’île Ijwi est apparentée à ce guerrier des temps reculés, devenu l’ancêtre éponyme de toutes les principautés disséminées sur la rive sud-occidentale du Kfvu. L’aède veut voir, dans les exploits accomplis par l’expédition, une revanche définitive, ou mieux le dernier acte de la vengeance que la Lignée des Basîndi n’avait pas encore tirée des Batsibura (descendance de Ntsibura).
(4) L’île ljwi fut annexée au Rwanda par le grand Rugânzu II ’Ndôli, au XVIe siècle. Toutefois sa dynastie resta en charge, comme c’était la coutume en ce qui regardait les principautés autochtones bantoues. Quant aux principautés ou royaumes hamites, une fois que le Rwanda les annexait, leurs dynasties étaient impitoyablement « déracinées ». A partir du règne de ’Cyllima II Rüjügira, l’île d’îjwi avait été inféodée à l’armée dite A bakêmba, créée par ce monarque. A l’avènement de Yuhi IV Gahlndiro, elle passa à l’Armée A bashakimba formée par le nouveau roi. Le roitelet insulaire, du nom de Mwëndo, envoya son fils Kâbego à la Cour
où il passa sa jeunesse. Le Roi le renvoya pour être intronisé à la mort du même Mwëndo. Kâbego se révolta à la mort de Mütarall Rwôgera, successeur de Yuhi IV, à la suite du refus de la Cour d’accepter les présents que le souverain vassal avait envoyés à son maître durant les derniers jours de sa maladie.