« Assise à coudre » d’Alice Dunbar Nelson

Poème d’Alice Dunbar Nelson (1875-1935) – USA

Bataille de Spotsylvania, par Thure de Thulstrup, 1887. Wikipédia

Assise, je couds. Quelle insignifiante corvée,
Les mains usées, la tête lourde de pensées –
D’arsenaux de guerre, de démarches de soldats,
Au visage sombre, au regard dur, porté sur l’au-delà
D’âmes innocentes qui jamais n’ont vu mourir
Et aux existences plus fragiles qu’un soupir –
Mais – je dois rester assise à coudre.
 

Assise, je couds – le cœur meurtri d’ambitions –
Ce terrible spectacle, le déluge féroce des munitions
Sur les champs annihilés, et les formes ridicules et hurlantes
Autrefois des hommes. Mon âme apitoyée est errante
Des sanglots implorants, ne demandant qu’à fuir
Dans cet holocauste infernal, sur ces champs qu’il nous faut maudire –
Mais – je dois rester assise à coudre.
 
Les petites coutures vaines, les ravaudages sans intérêt ;
Pourquoi rester ici à rêvasser, dans le confort de mon foyer,
Quand ils sont là-bas, enlisés dans la boue et la pluie,
A m’appeler, désespérés ; certains pressés, d’autres anéantis ?
Seigneur, vous avez besoin de moi ! Nulle broderie rosée
Ne saurait me séduire – la broderie est d’une futilité,
Elle me réprime – Mon Dieu, dois-je rester assise à coudre ?

Traduction d’Anne-Elisabeth Doutey

Texte original :

I Sit and Sew

I sit and sew—a useless task it seems,
My hands grown tired, my head weighed down with dreams—
The panoply of war, the martial tred of men,
Grim-faced, stern-eyed, gazing beyond the ken
Of lesser souls, whose eyes have not seen Death
Nor learned to hold their lives but as a breath—
But—I must sit and sew.
 
I sit and sew—my heart aches with desire—
That pageant terrible, that fiercely pouring fire
On wasted fields, and writhing grotesque things
Once men. My soul in pity flings
Appealing cries, yearning only to go
There in that holocaust of hell, those fields of woe—
But—I must sit and sew.
 
The little useless seam, the idle patch;
Why dream I here beneath my homely thatch,
When there they lie in sodden mud and rain,
Pitifully calling me, the quick ones and the slain?
You need, me, Christ! It is no roseate seam
That beckons me—this pretty futile seam,
It stifles me—God, must I sit and sew?

Poème emprunté au blog https://metisdemots.wordpress.com/

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