Poésies nationales (trois sonnets)

Poèmes de Massilon Coicou (1867 – 1908) – HAÏTI

Illustration: Combat et prise de la Crête-à-Pierrot (4 – 24 mars 1802). Gravure sur bois originale dessinée par Auguste Raffet, gravée par Hébert.

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À Toussaint Louverture

 

Je te consacre un culte, à toi que transfigure
En notre humble orgueil qui jamais ne décroît ;
À toi qui, pour l’amour de nous, souffris le froid
La faim, l’affront cruel, la plus lâche torture !

Apôtre précurseur des rédempteurs du Droit,
Tu mourus immortel ! Ton martyre t’épure ;
Tes fils ont le front haut quand ils parlent de toi,
Car ta gloire est sacrée, ô Toussaint-Louverture !

Lorsqu’un traître pour toi dressa le Golgotha ;
Quand dans un l’enfer du joux un ingrat te jeta,
Dans l’âme de tes fils tu fis passer ton âme.

On t’appelait « le nègre ! », on t’appelait « Infâme ! » ;
L’infâme a su charmer l’auguste Liberté,
Du nègre avec orgueil, un peuple se réclame.

 

À Pétion

 

Rayonne, demi-dieu, toi qui, parmi ces braves
Dont nous nous proclamons l’humble postérité
Brisant partout comme eux la chaîne des esclaves.
Sur des droits éternels fondas leur liberté.

Dédaigneuse, stoïque, au milieu des entraves,
Ton âme s’imposa tant de sérénité,
Que tous ces vils serpents bavant sur les plus graves
N’ont pas osé siffler ton immortalité !

Or, rien qu’en les nommant, ainsi qu’elle s’incline
Devant Toussaint, Capois, Christophe, Dessalines,
Ces noms sacrés auxquels ton nom sacré s’unit,

Devant toi-même que reflète sa gloire
Et soutiens ses pas, toute la race noire
T’offrant l’apothéose, à genoux, te bénit.

 

À Christophe

 

Dans ta sphère sereine – oh ! tu fus bien – repose
Impassible, certain que jamais nul affront,
Rien de tout ce qu’on dit, rien de tout ce qu’on ose,
Ne ternira l’éclat dont rayonne ton front.

Ayant moulé le bronze, – ô noble forgeron !
Que t’importent ceux-là que l’œuvre grandiose
Fait bondir de colère ! en vain ils baveront :
Ils prendront part quand même à ton apothéose !

Oh ! oui, garde ton calme ainsi que ta fierté ;
On finira, demain, par comprendre ton rôle
Dans son côté sublime ; et la postérité,

Déposant sur ton front une blanche auréole,
T’invoquera souvent comme un vivant symbole
Du travail cimentant l’Ordre et la Liberté.

 

 

Ces trois sonnets sont extraits de son recueil Poésies nationales, publié pour la première fois en 1892 à l’Imprimerie Victor Goupy et Jourdan à Paris (pages 72-74 de l’édition 2005 des Presses Nationales d’Haïti).

 

http://www.ile-en-ile.org

 

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